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Ce blog est un pêle-mêle , d'anecdotes de voyages , de coups de gueule , de coups de coeur ...

Enfin de tout ce qui a pu me toucher et pourrait vous ouvrir une fenêtre sur mon univers .

mardi 26 janvier 2010

Chroniques Bellevilloises: 2.


" Vous voulez du zus? " suite et fin

Le groupe de 10h45 est complètement à l'opposé de la classe que j'ai pu décrire il y a quelques jours.
C'est un cas exceptionnel dans l'asso. Ce sont les rares personnes qui continuent de venir après avoir obtenu le dîplome du DILF. Ils cherchent vraiment à s'intégrer à la population française en apprenant à communiquer, c'est pourquoi ils sont très participatifs. La dynamique avec cette classe est unique.

Mr Lin (prénom Dinzeng, ou quelque chose comme ça, Lin est le deuxième nom le plus répandu avec Chen):
Il bégaye beaucoup, parle TRES fort et en même temps que tout le monde, il ne peut pas s'empêcher de blablater ou de lire à haute voix. Parler c'est plus fort que lui. Il répond toujours, même n'importe quoi.
Il adore plaisanter, c'est un moulin à blagues et à jeux de mots formés à partir de ce que je dis.
Il finit souvent par embrouiller les autres à force de raconter des conneries, ça fait rire toute la classe, moi la première.

Mr Chen:
C'est un peu mon chouchou (il y en a toujours un, c'est comme ça on n'y peut rien). Il est très beau, très délicat, très timide. C'est le plus doué de la classe. Jamais un mot plus haut que les autres.
Il stresse quand il prend la parole parcequ'il déteste intervenir sans être sûr de ne pas se tromper.
Alors il a un tic de langage, il produit une sorte de claquement avec sa bouche, comme un bruit de succion, difficile à décrire comme ça. Enfin toujours est-il que plus le stress est fort plus le nombre de tics augmente, et il devient vite incompréhensible.
 Mr Chen c'est la raideur même, surtout quand il marche, les bras bien serrés le long de son corps.
C'est aussi le petit préféré d'un autre élève, le plus rigolo de tous: Mr Soutat.

Mr Soutat:
Taïlandais qui doit approcher la quarantaine d'années, il détonne complètement dans le décor. Coiffure stylée, lissée à droite, en brosse à gauche, grosses bagouses aux doigts, sac à main de donzelle.
Très tactile, très homo Mr Soutat. Mais avant tout très gentil.
Il est coiffeur esthéticien (ça se dit?).
C'est un ancien élève de l'asso qui était parti à cause des réflexions que lui faisaient les chinois, qui acceptaient mal son excentricité.
Aujourd'hui il est bien intégré à la classe, les autres s'en foutent royalement.
Sauf qu'il est toujours collé à Mr Chen, quand ses collègues observent systématiquement une distance respective entre eux.
Toutes les occasions sont propices au contact physique, je dis bonjour et je te tapote le flanc, je lis ce que tu viens d'écrire en te pressant le bras, j'attrape un stylo et hop je suis penché contre toi...
Mais Mr Chen reste stoïque, il ne moufte pas ni ne s'agace.

Le duo d'inséparables, Mr Du et Mr Chen (l'autre Mr Chen), je ne les ai pas encore bien cernés, ils sont plus discrets. J'aime bien embêter Mr Du en l'envoyant au tableau, comme il a des petits soucis avec l'écriture à chaque fois il râle de bon coeur mais s'accomplit en rigolant de sa nullité.

Il y a deux femmes également, dont une jeune demoiselle (bien que mariée) qu'on pourrait présenter à juste titre comme: "la fouteuse de merde". D'ailleurs mon collègue Gérôme ne l'accepte plus dans ses cours...

Ainsi nommée, Shaofang:
C'est la plus jeune de mes élèves, à peine la vingtaine je pense.
Attitude d'ado niaiseuse, glousseuse à temps plein. Sans arrêt la bouche ouverte sauf quand il s'agit de répondre à la question que je lui pose. Sa tête disparait alors dans le col de son pull, à l'abri duquel elle ricane dans un faux accès de timidité.
Elle prend beaucoup de place car il faut qu'elle soit au centre de toutes les attentions.
Comme elle déteste ne pas être la meilleure, il lui faudrait dans l'idéal, un prof particulier et un harem d'ignorants prêts à admirer benoitement sa supériorité intellectuelle, car évidemment elle est très douée.
Si Gérôme ne l'avait pas éjectée de son groupe, elle serait restée 2 ans de plus à briller sans complexe parmi les grands-débutants.
Heureusement elle a trouvé plus grande-gueule qu'elle, et les élans de Mr Lin ont vite fait de la reléguer au second plan du point de vue des décibels... héhéhé.
Sa soeur, ou celle de son mari, quelque chose dans le genre, travaille dans l'asso, autant dire que désormais c'est son territoire, et elle fait comme chez elle. D'ailleurs elle est dans nos pattes à toute heure de la journée, se mêlant de tout, ricanant sans cesse.
Je n'ai rien contre elle, elle m'amuse plus qu'elle ne m'agace, mais elle finit par me fatiguer à jouer les midinettes. Gentille et saoûlante la demoiselle Shaofang.

Bientôt j'aurai une classe supplémentaire, je n'ai pas encore décidé laquelle, pour le moment j'observe avant de faire mon choix.

Et voili voilou, vous savez un peu maintenant à qui j'ai affaire de bon matin.
Ce que je peux vous assurer c'est que je pars de bonne humeur au boulot (et pourtant le réveil est tous les jours aussi dur) et que je termine invariablement ma journée épuisée, et le sourire aux lèvres.

samedi 23 janvier 2010

Chroniques Bellevilloises: 2.


" Vous voulez du zus? " première partie

Je cottoie depuis trois semaines maintenant la communauté chinoise parisienne, et je voulais brosser un petit portrait de ces élèves qui participent à la couleur de mon quotidien.
L'asso où je bosse travaille principalement avec des chinois, mais avec un public asiatique au sens plus large, et le quartier, à mi-chemin entre Belleville et Ménilmontant, est le fief depuis le XXème siècle de la diaspora chinoise.
Quartier populaire depuis toujours, il a d'abord connu le débarquement des ouvriers maghrebins avant d'être suivi rapidement par des vagues d'émigrés en provenance de Chine.
Le canard laqué a pris le relais des merguez, la plupart des commerces sont tenus par des asiatiques, seuls les cafés et quelques librairies restent le domaine des nord-africains.
Je vous passe l'historique, voilà le dessin actuel.



Je tiens pour le moment 2 classes.
Le groupe de 9h est instable encore, on ne sait jamais qui sera là. Alors au lieu d'être 7 au grand complet, on n'est jamais plus de 3 (4 avec moi). Ils alternent, ça me facilite pas le boulot croyez-moi.

Mme Chen (Xiuli de son prénom, s'appeler Chen c'est comme s'appeler Durand):
C'est la plus ancienne, 36 ans, mère au foyer avec deux enfants, en France depuis déjà 10 ans. C'est une petite dame rigolote, discrète et de bonne humeur.
Quand je vérifie si elle a bien compris, elle me fait sa réponse type, systématique.
_ " C'est bon Mme Chen? "
_ " Oui, c'est bon, c'est bon. Mais demain c'est pas bon, c'est oublié, tout mélanzé. " Et elle se marre, moi aussi.

Mme Tserenbaljir Myagmarsuren (imprononçable, je m'entraîne encore):
Je ne sais même pas quel est le prénom ou le nom, on va dire Mme Tse. 35 ans, pharmacienne,originaire d'Oulan Bator (Mongolie), mariée à un français, elle a beaucoup voyagé en Europe, habité aux Pays Bas avant d'atterir en France. C'est une belle femme, très studieuse, très calme et surtout timide. Elle ne parle que lorsqu'elle est sure de la réponse, sinon elle ne décolle pas le nez de son cahier de peur que je m'adresse à elle, ce qui arrive inévitablement assez souvent vu l'effectif du groupe et m'oblige à me planter devant elle en répétant "Madame, madame s'il vous plait" si je veux obtenir un son.

(la suite plus tard)

mercredi 13 janvier 2010

Chroniques Bellevilloises: 1.


Lendemain d'une première nuit



Je triche un peu, ça m'est égal. Belleville sonne plus doux à mon imaginaire que ce sacré Voltaire.

Comment se faire accepter d'un lieu?
Comment le pénétrer sans se faire rejeter, écarter le sentiment d'être un intrus pour mieux l'apprivoiser?

Se faire à manger.
Surtout pas d'étalage d'affaires, quelle intrusion violente, ce serait un manque de tact.

Ce n'est pas une appropriation du territoire. Au lieu de celà on se montre conciliant, prêt à y accomplir ses besoins primaires, manger, dormir.

Première sensation de volupté, le moelleux sans fond du grand lit.

Et petit à petit ma présence en ce lieu prend son sens. Je me sens déjà chez moi.