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Ce blog est un pêle-mêle , d'anecdotes de voyages , de coups de gueule , de coups de coeur ...

Enfin de tout ce qui a pu me toucher et pourrait vous ouvrir une fenêtre sur mon univers .

mardi 22 mars 2011

Acapulco: la boda

Après la détente à la plage, la fête.
La raison originale de ma venue à Acapulco était la boda. Se mariait Miguel, cousin des Nieto.
Là où l'histoire devient amusante, c'est que lors de mon premier séjour au Mexique deux ans plus tôt, j'avais assisté au mariage du frère cadet de Miguel, à San Cristobal de las casas.
Sans faire partie de la famille, je participais aux engagements des deux frères. Histoire en cercle.
Je gardais le souvenir d'une fête luxueuse et je n'en attendais pas moins de celle-ci, je n'ai pas été déçue.

Pajaro et moi n'avons pas assisté à la cérémonie religieuse, et au retour de Javier nous avons pris la route jusqu'au palace où se déroulait la fête. Nous avons serpenté le long des montagnes, le crépuscule offrait une vue imprenable sur toute la baie d'Acapulco. Tout semblait sortir d'un rêve.

L'entrée du Gran Maya, complexe hôtelier, était à l'image du reste, luxueux.
De gigantesques stèles sculptées de hiéroglyphes mayas, entourées de bassins et de plantes tropicales. Et la vue sur l'océan pour nous accueillir.


Quand nous sommes arrivés sur la plage, tout le monde était rassemblé au bord de l'eau. J'ai d'abord cru qu'ils prenaient des photos de groupe, mais en m'approchant j'ai compris qu'il s'agissait de tout autre chose.
Le spectacle hermoso d'un lâché de bébés tortues sur le sable, pour courir se jeter dans l'océan, éclairées par un faible clair de lune.
J'avais toujours rêvé d'assister un jour à la naissance des tortues, et même si celle-ci était mise en scène, c'était superbe. La surprise rajoutait à la beauté de l'évènement.


La suite de la soirée n'a été que la succession de ce que peut être une fête de mariage, mais dans un décor très soigné, balançoires recouvertes de coussins moelleux, fleurs blanches, nourriture fine, et les femmes en robes de bal aux bras d'hommes tous de blanc vêtus.


Nous avons dansé toute la nuit, salsas, cumbias, merengue, jusqu'à l'extinction des réserves de vodka.
Juste avant le lever du jour, je suis partie marcher le long de la plage, échapper un instant à toute cette agitation et soulager mes pieds meurtris dans l'eau tiède du Pacifique.
Chanter, et danser seule sur le sable, heureuse de la vie.

Acapulco: premier pas au Pacifique

J'ai envie d'écrire sur le weekend à Acapulco avant de l'oublier dans ces petits détails amusants. Ça me parait déjà loin deux mois plus tard.

Je me souviens que le nom sonnait très exotique à mon oreille, et rien que pour cette raison j'avais tellement envie de m'y rendre.
Je crois que je me le représentais visuellement comme Rio de Janeiro, sans y avoir jamais mis les pieds non plus pour autant. Une plage gigantesque entourée de roches et de collines verdoyantes.

On est partis de San Luis un midi, avec Pajaro et son ami Javier que j'ai rencontré à cette occasion, et quelques heures plus tard on a fait étape à Querétaro, où l'on devait apporter des planches à un prof de l'université, dessinateur et ami de Javier. Il nous a cordialement invités à dévorer des tacos, et Laurence, une française, amie de Pajaro, nous a rejoints.

Elle m'a demandé si San Luis me plaisait et je me voyais mal répondre négativement alors que je ne connaissait presque pas la ville et que mon stage à l'alliance française commençait à peine.
Pour moi, à ce moment là, San Luis rimait avec el cariño de la famille Nieto Joly, et la joie d'être de nouveau en voyage, dans un cadre plutôt sympa à mon goût car le style colonial mexicain me plait beaucoup. Je ne voyais pas plus loin. 
Elle, avait détesté y vivre. Elle préférait de loin Querétaro qu'elle trouvait plus ouvert, moins province.
Bon, à première vue cette ville ne m'avait pas particulièrement tapé dans l'œil, et je me serais sentie une sacrée ingrate de dénigrer l'endroit qui m'avait accueillie si chaleureusement, ç'aurait été une vilaine trahison.
Aussi absurde que cela puisse paraître, je ressentais une grande satisfaction à dire que j'habitais à San Luis et à affirmer que je m'y plaisais. Un certain chauvinisme que l'affectif pourrait expliquer. Et puis de quel autre lieu du Mexique aurais-je pu me revendiquer sinon?

L'estomac plein, nous avons repris la route, sous un soleil de plomb. Il nous restait tout de même une dizaine d'heures de route et l'après-midi était bien avancé...
Alors nous avons poursuivis d'une traite, en passant par trois heures d'immobilité presque totale dans les embouteillages à l'entrée de la ville de México.
Je ne suis pas prête d'oublier l'ironie de ces petits auto-collants placardés tout le long de la barrière de sécurité:  " México, ciudad en movimiento ". La blague! Quand tu patines depuis des plombes dans le vacarme des travaux, des auto-radios, et la chaleur épaisse des pots d'échappements d'une mégalopole en pleine heure de pointe...
Il faisait déjà nuit quand on a gagné la sortie.

Je me rappelle le pari stupide tenu un peu plus tôt, il s'agissait de deviner le dernier numéro de notre plaque d'immatriculation (clef d'entrée pour le DF), le perdant régalerait le prochain déjeuner. Devinez qui a du payer...

Je garde peu de souvenirs du reste du trajet, ni même des changements de paysages, sans avoir dormi pourtant. Nous sommes arrivés à minuit à Acapulco, et la chaleur et l'humidité nous ont écrasés à l'ouverture des portières. Odeur de mer, fin du voyage.

On a trouvé un hôtel en bord de plage, avec une gigantesque piscine dans laquelle on n'a jamais trempé un orteil. Hôtel façon luxe, mais finalement destiné à la classe moyenne. Javier nous a enregistrés sous de faux noms à l'administration et j'ai écopé d'un peu glorieux "Chloé Smith".
Chambre immense, vue sur la mer (et la piscine), mais seulement deux lits, et lit nuptial pour lilliputiens en outre.
Ici s'achève la galanterie de mise chez mes compagnons de vadrouille. Je suis restée abasourdie quand j'ai compris qu'ils ne plaisantaient pas dans leur refus de dormir ensemble. Pas classe les gars! Vos manières de caballeros c'est du flan finalement. Alors s'il faut parler de galanterie, plutôt qu'on m'ouvre la portière (chose que je peux très bien accommoder moi-même aux dernières nouvelles) et bien je préfère qu'on me laisse dormir toute seule. Mais rien à faire.

Le second pari qui a suivi devait désigner le premier ronfleur comme débiteur des prochains ptits dèj. A ce jeu là, je me faisais tout de suite beaucoup moins de soucis, mon porte-feuille n'était pas en péril, et il a suffit d'un record de trente secondes à notre ami Javier pour se condamner à raquer pour tout un weekend.
Le prix à payer pour avoir son lit perso, je dirais presque "Na!".



Le lendemain s'est écoulé tranquillement sur la plage, au pied des énormes buildings des hôtels du bord de mer.
On pouvait sentir que cet endroit a été le lieu hype de toute une génération dans les années 50-60, mais que l'effet de mode est déjà passé, comme à Cancun finalement. Le côté luxe décati, qui réserve désormais sa décrépitude maquillée de paillettes à une autre classe soi-disant riche, mais tout compte fait très naco.

Ce qui n'empêche pas d'apprécier toute la beauté du lieu, le mélange entre océan et montagnes, charme de la côte pacifique.
J'imaginais Acapulco comme quelque chose de sale, bruyant et grouillant de monde, la surprise a été de découvrir une certaine tranquillité en cette période hors saison, peu de touristes en dehors des chilangos de passage pour le weekend, mais surtout la propreté des plages. Une très agréable surprise. L'eau limpide et l'ambiance relax.
Une première journée pleine de soleil et de bonne humeur, à déguster des micheladas les pieds dans le sable fin. Je n'ai en revanche pas touché aux fruits de mer dont les deux autres se sont fait un festin. La seule vue de ces choses gluantes et puantes me retournait l'estomac. L'alcool étant une valeur sure, je m'en suis tenue à écluser des godets.
Qui me fera gober un de ces immondices, même sur une plage d'Acapulco, celui là n'est pas encore né je vous l'assure.

samedi 26 février 2011

Back to Mexico!

Retour au Mexique, deux ans plus tard.
Parfois on sent qu'on reviendra dans un lieu, mais on ne sait jamais quand. On se demande si ce qu'on retrouvera sera identique au souvenir qu'on en a gardé. Petit flash back sur le come back.

Quand j'ai retrouvé le chemin de l'aéroport à Paris, les mêmes sensations m'ont serré l'estomac.
Le départ dans l'urgence, comme toujours, mon sac fait à la va-vite, les au-revoir expéditifs, les papiers oubliés inévitablement et le sentiment qu'il nous manque quelque chose d'essentiel. Je n'avais pas fermé l'œil de la nuit, et plus qu'une impression, je savais exactement ce que j'avais oublié chez Coline dans mon départ précipité, rien de moins que mon billet d'avion! Conclusion, tant pis.

Une fois à Charles de Gaulle au petit matin, j'ai tourné longtemps avant de comprendre qu'il me fallait changer d'étage, je me sentais gourde avec mon énorme valise à bout de bras, à errer dans les couloirs, jusqu'à me retrouver à l'endroit exact par où j'étais entrée.
Valise qui m'a d'ailleurs couté un supplément de 50 dollars pour les 7kgs de surcharge. Pas pensé à la peser bien sur. Tant pis aussi.

J'ai subi comme tous les autres un interrogatoire absurde et interminable sur mon motif de passage aux Etats-Unis, sur l'historique de mon sac depuis le moment où je l'avais préparé. L'hôtesse n'était pas méchante et puis ça me passait le temps, mais bon sang il sortait d'où cet accent !?

Seconde nuit blanche dans l'avion et arrivée à Houston 11 heures plus tard. Nouvel interrogatoire sans fin, accent encore plus barbare, et ce brave monsieur qui ne semblait pas vouloir y mettre du sien. Je pensais à ma mère, je me disais: "Imagine sa tête si elle tombait sur un employé de ce genre qui baragouine sans prendre la peine d'ouvrir la bouche, ses 18 leçons de la méthodes assimil n'y pourraient rien, comprendre un texan relève d'un don métaphysique".

Puis 7 autres heures  à attendre avant ma correspondance, du bonheur en boite. C'est vrai qu'il y a plein de choses à faire dans un aéroport et qu'il y a largement de quoi ne pas s'ennuyer...c'est vrai.  Ce qui est vrai aussi, c'est que pour sortir fumer c'est pas compliqué, il suffit de prendre la porte, enfin c'est que j'ai déduit des halètements du gardien le plus moche que la terre ait porté. Le pauvre gars était bati comme un gros sac mou et rouge, la peau qui pend, le regard bovin, mais surtout, deux seules dents, peut-être les canines. Il tentait de m'expliquer je ne sais quoi, et moi je restais paralysée par cette vision d'un autre monde, "c'est un morse" je pensais, "oui, c'est exactement ça, un morse". Sortir donc, signifie aussi repasser par la fouille à chaque fois. Au bout de la troisième, j'ai laissé tomber mon envie de nicotine.

Mais il y a le bon côté des aéroports, les rencontres éphémères. La rencontre, dans mon cas, et elle s'est fait attendre. Mais le gars était ma foi bien sympathique, un grand type un peu débraillé, dégaine américaine sans conteste. Il m'a abordé pour que je lui explique comment il devait s'y prendre pour prendre un taxi une fois à Monterrey. J'étais un peu déroutée par sa question, prendre un taxi au Mexique c'est pas tellement différent que dans d'autres pays j'imagine... à part la couleur des voitures. En fait, il voulait savoir comment s'adresser au chauffeur en espagnol, mais j'ai mis un moment avant de comprendre, je n'étais pas vraiment la personne la plus adéquate pour ce genre de renseignement étant donné mon niveau 0,5 en espagnol àc e moment là. Et voilà, encore un moment où l'on se sent bien gourde.
Papotage, papotage, et la correspondance enfin!

L'avion était minuscule, à peine trente places et pas des sièges pour obèses. Les yeux me brulaient d'épuisement, j'ai dormi brutalement jusqu'à l'atterrissage à San Luis. Réveil vaseux, bave séchée sur la joue, les jambes en cotton. Et soudain le déclic, ça y est j'y suis! Et comme souvent, un bref instant de panique, non en fait je n'ai pas tellement envie d'être ici, pourquoi je suis venue déjà? Et si je faisais demi-tour maintenant hein? Mais sans prêter attention aux âneries que profère la cervelle, les pieds font leurs boulot et se dirigent vers le bout du tunnel, également appelé service immigration. Hola, francesa, vacaciones, tres meses. voilà et bon voyage ma ptite dame. Bien moins chiants les mexicains.

J'ai eu de la chance, ce qui n'est pas si fréquent dans ce genre de situation, le petit bouton qui décide de te jeter en pâture à la fouille détaillée, ou dans les bras de la sortie sans complication, m'a fait une faveur et j'ai gagné la porte sur mes pieds de plomb.
Et le sourire de Claire et Pancho de l'autre côté de la porte, et toute la mousse maussade qui flottait dans mon esprit qui s'évapore en une seconde. Oui, je suis contente d'être ici.

mardi 13 juillet 2010

Itinéraire bis de Nihar, from Bangladesh

                                                                                                                              .
Je m'appelle Meherunnesa, j'ai 22 ans et je viens du Munshigonj au Bangladesh.
Je suis arrivée en France il y a 6 mois. Nihar c'est mon surnom,  ça fait rire les chinois qui comprennent "Nihao" (bonjour).

Sur mes papiers, tout est de travers, je n'ai pas de prénom car il est noté comme nom de jeune fille, et mon nom d'épouse est en fait le prénom de mon mari. A la préfecture ils n'ont rien compris.
Mon âge aussi est différent, ici j'ai deux ans de plus, mais cela date de mon mariage.

Je viens d'une famille pauvre, mon père est agriculteur, ma mère ne travaille pas, nous étions quatre enfants à vivre sur le petit salaire paternel.

Quand j'avais 16 ans, mon père a arrangé un mariage pour moi, avec un homme beaucoup plus agé qui vivait en France. Comme je n'étais pas majeure il a fallu me rajouter deux années supplémentaires pour rendre cette union possible. Je n'ai vu mon futur mari qu'en photo.

Comme c'est très compliqué d'obtenir un visa pour le Bangladesh, nous avons célébré le mariage entre les deux familles d'abord par téléphone, puis officiellement en Thaïlande, car là-bas il ne faut que quelques jours pour recevoir les visas. Mon mari nous a payé le voyage, à mon père et moi, pour pouvoir nous y rendre.

C'est un mariage intéressant. Comme nous sommes pauvres, ma belle-famille ne nous a pas demandé de dote, comme il est de coutume. Normalement mon père aurait du faire don de plusieurs grammes d'or, mais ainsi il a pu me les donner à moi.

Au Bangladesh, les mariages entre des familles de conditions sociales différentes sont très rares. On n'épouse pas quelqu'un de pauvre, mon cas est exceptionnel. Là-bas le fossé entre ceux qui sont riches et les autres est énorme, ici je trouve que l'écart  est plus faible.

Je suis venue seule pour rejoindre mon mari. Je ne connaissais personne en France.
Quand je suis arrivée, c'est un couple d'amis à mon époux qui m'a aidé dans mes premières démarches. Ce sont eux qui m'ont inscrite à l'association, la femme avait pris des cours ici.
Mais pour le reste j'ai appris par moi-même, comme prendre le métro. Mon mari travaille, il n'est pas libre la journée, je fais tout toute seule.

Je n'avais jamais imaginé vivre dans un autre pays, mais si ça avait été ailleurs je crois que j'aurais aussi aimé le Canada. Mon oncle vit là-bas avec sa femme.

Je suis très heureuse d'être en France, j'aime ma vie ici. Avant, j'étais tout le temps malade, c'est fini, je me sens bien maintenant.

Quand on me demande ce que je préfère dans cette nouvelle vie, c'est la liberté. Je suis libre. Je respire. L'égalité c'est bien aussi, mais c'est surtout la liberté qui est importante pour moi.

Mon principal regret c'est de ne pas avoir fini mes études. J'allais au lycée au Bangladesh, mais ma belle-mère m'a demandé de quitter l'école si je voulais épouser son fils.

Les relations avec ma belle-famille n'ont pas toujours été simples. Je suis musulmane, mais il existe plusieurs branches dans l'Islam; J'ai refusé d'adopter celle de ma belle-famille, même si on disait de moi que je n'étais pas une fille bien. C'est ma religion et je ne veux pas en changer.

Les musulmans ici sont différents. Nous avons la même religion mais notre culture est différente. Ma voisine est musulmane mais elle ne veut pas parler avec moi, car je suis noire. C'est difficile de rencontrer des gens. Je ne fréquente personne, à part un couple d'amis de mon mari, ce sont les seuls chez qui je vais parfois.

Il y a une chose que je n'aime pas ici. Pourquoi les gens ne se respectent pas? Tu as ta religion, j'ai la mienne, mais nous sommes des humains. Si tu dis du mal de moi, tu ne me respectes pas, c'est que je suis un animal. Et nous ne sommes pas des animaux.

Quand je sors, pour aller faire des courses, ou pour prendre le bus, je dois passer devant un bar. Ces hommes qui me voient passer savent qui je suis, ils habitent à côté et connaissent mon mari, pourtant ils me sifflent et disent des choses irrespectueuses, ça je ne le comprends pas.

Je viens à l'association pour apprendre le français. Maintenant j'ai ma carte de séjour pour dix ans mais j'ai besoin de mieux parler pour pouvoir travailler. J'aimerais bien avoir un emploi dans une crèche, mais il faut des diplômes, alors je pense d'abord être agent de caisse.

Un jour, si nous pouvons changer de ville, j'aimerais habiter à Toulouse ou à Marseille. C'est plus petit.
Ici, à Paris, la vie est très chère. Notre maison n'est pas très bien, nous avons des souris, des cafards, et surtout beaucoup de fourmis, je dois tout ranger dans des pots bien fermés, je mets la nourriture dans la chambre, c'est le seul endroit où elles ne viennent pas.

Retourner au Bangladesh? Non, ce n'est pas possible. Même pour des vacances. Peut-être en 2015.
Tu sais il faut beaucoup d'argent pour rendre visite à la famille. Il n'y a pas que le prix des billets, le problème ce sont les cadeaux. Il en faut un pour chaque membre de la famille. Nous sommes 6 dans la mienne, sans compter les cousins, et ils sont 11 dans celle de mon mari. Tu imagines? Et puis ce ne sont pas des petits cadeaux, si tu offres quelque chose qu'ils n'aiment pas et bien ce sont eux qui choisissent et tu dois leur acheter.

Je ne les reverrai pas avant longtemps. Ma petite sœur aimerait venir me voir, j'aimerais beaucoup aussi. Mais ça non plus ce n'est pas possible. C'est comme ça. Mais tu sais j'ai de la chance, c'est plus facile de vivre ici qu'au Bangladesh. Surtout que j'ai ma vie tranquille, juste avec mon mari, alors que vivre dans sa belle-famille...

Mes projets? J'essaie d'avoir un enfant, et puis après je chercherai un travail. Je suis contente.


Ce portrait a été réalisé presque exclusivement en français, à partir d'un entretien de 45 minutes et d'autres informations glanées au fil de nos discussions. Alors quand elle me dit qu'elle ne parle pas bien français, mais juste un peu, j'ai le droit de sourire. 
Le jour où elle prendra conscience de ses capacités, de belles portes pourront s'ouvrir à elle, je l'espère.
Pour une jeune femme qui parle bangla, anglais et hindi, lit l'arabe, et maitrise les bases du français en 6 mois, j'ose imaginer un autre avenir que caissière dans un supermarché de Bobigny.

Itinéraire bis, c'est à dire?

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Itinéraire bis, c'est l'idée que m'évoque les parcours atypiques de mes élèves, qui pourtant n'ont d'originalité que pour ceux qui ne sont pas migrants comme eux.

Livrer leur parcours de vie, vous laisser découvrir des bribes de ces personnes incroyables qui sont bien d'autres choses que de simples rescapés.

Bienvenue dans l'underground des immigrés.

samedi 13 mars 2010

Chroniques Bellevilloises: 4.


" Professeur, faut manger ! "

Bon, voilà que le temps file encore à toute allure. J'ai à peine écrit sur mes élèves pour les présenter que je suis déjà presque à la moitié de mon contrat.
Deux mois plus tard, que sont devenus ces petits chinois?
Retour sur deux d'entre eux.

J'ai déjà évoqué Mr Sutat, le coiffeur thaïlandais. C'est lui qui me vient à l'esprit le premier, car c'est aussi devenu mon pote depuis.
Depuis quoi? Depuis le vendredi précédent cette maudite St Valentin, mais ça c'est une anecdote que je raconterai une autre fois.

° Manee Deang Sutat, ou Jack, pour les intimes (non, non, ne riez pas).
Depuis que nous avons dîné au restaurant en compagnie de son ami, Mr Sutat m'a dans ses petits petits papiers. Il a par la suite décidé de pourvoir à mon alimentation durant les heures de travail.
Alors c'est ainsi, malgré mes protestations, tous les jours une boîte de gâteaux vient ponctuer la fin du cours.
Jamais les mêmes les gâteaux, attention! Et pas de la camelote par dessus le marché.
Ce sont gaufrettes de luxe et palets bretons qui défilent en guise de goûter, sous l'oeil affamé et bouillant de jalousie de mes collègues (non, là j'exagère, en plus je partage, voyez comme je suis sympa comme nana..héhé).
Sans oublier l'invitation dominicale au resto, que je refuse poliment toutes les semaines, faut pas abuser non plus... Est-ce que j'ai dévoré comme une morfale sous-alimentée la première fois ou quoi?
Adorable Mr Sutat, si tous les autres en faisaient autant je deviendrais vite obèse à ce rythme.

° Mlle Xiaofang. Non, pardon, Mâdame Huang Xiaofang.
Le titre de Mme sur cette adolescente incurable ne m'est toujours pas familier, aux autres non plus il semblerait, puisqu'ils en rigolent en corrigeant de "Petite Madame".
Xiaofang, ("Petite Maison") ma demoiselle de compagnie.
C'est la seule qui m'appelle par mon prénom, et me tutoie (quand elle y arrive). Je me suis teriblement attachée à elle.
Sa solitude me peine, sous ses airs de nunuche qui glousse elle est touchante malgré tout. Elle reste du matin jusqu'au soir à l'école, non par plaisir d'étudier (même si elle ne déteste pas ça) mais parcequ'elle n'a pas vraiment le choix. Elle ne peut pas rentrer chez elle la journée, car les relations avec son beau-frère et sa belle-soeur (avec qui elle habite) sont exécrables, d'autant plus depuis qu'elle travaille comme serveuse dans leur restaurant..bonjour l'ambiance!
Du haut de ses 22 ans la jeune femme est bien seule.

Je la trouve moins irritante, et la charrie sans vergogne sur son habitude de confondre les [p] et les [b].
Je lui barle doujours gomme si j'édais enrhubée, ce qui a le mérite de la faire se corriger la fois suivante (dès qu'elle a fini de glousser bien sur).

Mardi soir, minuit, je suis bien au chaud à papoter dans le lit de Coline.
Texto inconnu: " Chloé. c'est moi. Mme Huang Xiaofang. tout les jour je ne vais pas à l'école. parce que je travaille tous les jours le matin 9 heures. "
Puis second message après ma réponse amusée: " A jeudi ce soir je viens. "

Grand fou-rire, où est-ce qu'elle a récupéré mon numéro? Sacrée elle! Elle me poursuit même la nuit...

Je sais qu'elle ne recherche qu'un peu d'attention pour tromper son isolement, et je fais de mon mieux pour lui accorder un peu de mon temps libre, mais elle n'en a jamais assez.

_ " Chloé, tu pars déjà? "
_ " Euh.. oui, là il est un peu 20h et normalement je termine à 17... j'ai une vie aussi quand je suis pas prof. "
_ " Ah bon. Mais à demain matin alors! "
_ " C'est ça. " 
Dans la joie et la bonne humeur.


dimanche 14 février 2010

Dimanche poétique # 2 : Caminho difîcil


Il n'est pas dit que tous mes dimanches poétiques seront en portugais, il se trouve que l'humeur dominicale me porte souvent du côté de la littérature brésilienne, avec son rythme indolent, ses rimes qui rebondissent dans le silence.

 
Vim pelo caminho difîcil,
A linha que nunca termina,
A linha que bate na pedra,
A palavra quebra uma esquina,
Minima linha vazia,
A linha, uma vida inteira,
Palavra, palavra minha.

Paulo Leminski